Génie Créateur

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J'ai cueilli une fleur ;
La plus belle des fleurs…
Obscure comme l'abandon,
Palpitante comme le péché.

Dans son jardin peuplé de fauves,
Son parfum redoutable
Laissait la bête sans forces ;
Moins féroce.

Chair veloutée des pétales frémissants
Mordant ma peau en un festin barbare,
Distillant son venin en mon corps ;
Y allumant les brasiers troubles du désir.

En ferai-je l'oracle
De mes amours légitimes,
Ou lui grefferai-je
Ma race incomplète ?

Ô monstre magnifique et discordant ;
Ni tout à fait elle,
Ni tout à fait moi ;
Expression incarnée de nos essences.

Quel supplice assouvira mes faims ?
Quelle torture la pliera sous mes pensées ?
Peut-on mourir d'assouvissement ?
Peut-on vivre après accomplissement ?

Et son effluve toxique me monte à l'âme,
Corrompant la joie mauvaise que j'avais
De la si bien aimer,
De la si bien haïr.

Fleur, douce fleur,
Trouverons-nous compassion
Pour nos rêves,
Nos espoirs ?

À trop réfléchir,
À trop fléchir,
Ne perdons-nous pas la route
De nos impossibles réalisés ?
À trop attendre,
À trop prendre,
Ne perdons-nous pas l'accès
De nos réalisations imaginées ?

De ce paysage nébuleux,
Ne retiens que le moment souverain
Où ma main voulut te cueillir,
Où désir est meilleur qu'assouvissement.

Ce court instant précipitant des flots écarlates
Contre le roc immuable
Emportant en se retirant
Un peu plus de sa dureté.